Audemars Piguet Meyrin : quand l’horlogerie d’exception rencontre l’innovation locale

Audemars Piguet à Meyrin : une manufacture d’exception au cœur d’un écosystème innovant

Lorsque l’on pense à Audemars Piguet, on imagine immédiatement les paysages du Vallée de Joux, les ateliers historiques et l’ADN profondément enraciné dans l’horlogerie de prestige. Pourtant, depuis quelques années, c’est également du côté de Meyrin, dans le canton de Genève, que bat une autre forme de cœur de la manufacture. Ici, l’ultra-précision côtoie l’innovation verte, l’architecture contemporaine et un écosystème local en pleine effervescence. Visite d’un site où savoir-faire ancestral et exigences modernes cohabitent avec ambition.

Meyrin : terre d’accueil d’un nouveau visage de l’horlogerie

Inaugurée en 2021, la Manufacture des Saignoles à Meyrin n’est pas qu’une simple extension d’Audemars Piguet : elle incarne une vision repensée du métier. Encadrée par les salves d’avions de l’aéroport tout proche et les lignes épurées des pôles scientifiques environnants, cette manufacture s’intègre dans le Geneva Innovation Campus, un territoire en pleine mutation, où start-ups, institutions publiques et grands noms du luxe collaborent silencieusement.

Le choix de Meyrin, plutôt qu’un site de production isolé, n’a rien d’anodin. Il répond à un double enjeu : logistique d’une part, pour rester connecté au reste de la Suisse romande et à l’international ; mais aussi sociétal, car la région attire une nouvelle génération de professionnel·le·s aux profils aussi diversifiés que les défis de l’industrie elle-même.

Un bâtiment écoresponsable aux dimensions humaines

L’architecture de la Manufacture des Saignoles est une déclaration d’intention à elle seule. Signé par le bureau d’architecture suisse Kunik de Morsier, l’édifice mise sur la lumière naturelle, une ventilation naturelle optimisée et une structure en bois local. Des matériaux recyclables ont été utilisés partout où cela était possible, autant pour respecter l’environnement que pour favoriser un cadre de travail sain et inspirant pour les collaborateur·rice·s.

À travers ses grandes baies vitrées, les visiteurs peuvent deviner un ballet précis : machines-outils silencieuses, horloger·ère·s concentré·e·s sous des lampes LED, discussions discrètes autour de prototypes. Ce choix architectural souligne une volonté claire : ouvrir l’horlogerie à une certaine transparence – littéralement et symboliquement. Le luxe peut-il se conjuguer à la durabilité ? Ici, c’est un oui sans détour.

Quand innovation technique rime avec excellence artisanale

La manufacture de Meyrin n’abrite pas la partie la plus visible du processus de fabrication – celle des montres finies que les clients admirent en vitrine – mais bien une étape cruciale et largement méconnue : la production des composants de mouvements, notamment pour les calibres automatiques et à grandes complications.

En d’autres termes, c’est ici que tout prend forme dans une infinité de micromouvements et d’opérations minutieuses. Entre l’usinage et le décor des composants, près de 160 employé·e·s travaillent sur place pour donner vie à des éléments invisibles à l’œil nu mais indispensables à la réputation mondiale de la marque.

L’innovation passe aussi par l’automatisation intelligente. Contrairement à une idée reçue, cette automatisation n’écarte pas le geste artisanal mais le valorise. Les tâches répétitives sont confiées aux robots, permettant aux horloger·ère·s de se concentrer sur les finitions, les ajustements ou encore les contrôles qualité. De quoi redonner du sens au travail et renforcer l’attractivité des métiers techniques, sur lesquels la Suisse connaît une pénurie croissante.

Un levier pour l’ensemble de l’économie locale

Ce site ne se limite pas à produire. Il forme, inspire et rayonne. Audemars Piguet a dès ses premiers projets à Meyrin tendu la main au tissu local, en multipliant les partenariats avec les écoles techniques, les acteurs de la formation duale et les start-ups spécialisées dans les technologies de précision.

« Nous avons développé une approche ouverte, presque écosystémique », explique François-Henry Bennahmias, PDG de la marque jusqu’en 2023. L’objectif ? Créer des synergies durables entre l’horlogerie et les secteurs voisins, comme l’ingénierie, la robotique ou encore la recherche en matériaux.

Résultat : autour de la manufacture, c’est tout le secteur de la mécanique de précision genevoise qui se dynamise. Des fournisseurs régionaux montent en compétence, des talents locaux trouvent de nouvelles perspectives professionnelles, et l’image du luxe suisse s’ancre dans une réalité territoriale plus tangible. Meyrin n’est plus seulement une zone industrielle, mais un véritable pôle d’excellence transdisciplinaire.

L’humain au cœur de la transformation

Un autre aspect rarement évoqué, mais tout aussi fondamental, dans le succès du site meyrinois réside dans son approche managériale. Contrairement à une image parfois rigide de l’horlogerie suisse, Audemars Piguet mise ici sur la responsabilisation, l’agilité et l’écoute de ses équipes.

« Nous ne sommes pas là pour reproduire un modèle, mais pour accompagner les équipes dans une nouvelle manière de faire », confie Sandrine Boerlin, responsable RH. Les collaborateurs et collaboratrices, issu·e·s de parcours très différents (du microtech au design industriel), sont encouragé·e·s à faire remonter leurs suggestions et idées d’optimisation.

Des ateliers participatifs sont régulièrement organisés autour de la QVT (Qualité de Vie au Travail), du développement durable ou de l’éthique du management. Une stratégie qui, à terme, joue sur la fidélisation, dans un marché de l’emploi toujours plus concurrentiel.

Horlogerie et durabilité : une équation en évolution

Longtemps, les maisons horlogères ont peiné à intégrer les enjeux écologiques dans leur processus de fabrication. Trop complexe, trop coûteux, trop risqué. Mais depuis quelques années, la tendance s’inverse, portée par la pression des consommateurs, le besoin d’exemplarité et la confiance en la technologie.

A Meyrin, ce virage prend forme concrètement : réduction drastique des déchets, recyclage des fluides utilisés dans les machines, économies d’eau et d’électricité, ou encore compensation des émissions liées à la logistique interne. Rien de très spectaculaire quand on le lit noir sur blanc, mais une somme de décisions micro qui, mises bout à bout, font une vraie différence.

Plus symboliquement, c’est aussi un message envoyé à une nouvelle génération de clients, plus attentifs à la provenance et à l’impact de leurs achats. Une montre qui dure toute une vie peut aussi être pensée dans le respect de la planète : c’est là tout le paradoxe sur lequel le secteur doit désormais construire.

Une manufacture ouverte sur demain

Chez Audemars Piguet, Meyrin ne représente pas seulement un site d’assemblage ou une antenne secondaire. C’est un laboratoire du futur, où l’on teste de nouveaux rapports au geste, à la production, au territoire et à la durabilité.

À la croisée de l’industrie et de l’art, de l’artisanat et de la technologie, la manufacture illustre ce que pourrait devenir l’horlogerie suisse lorsqu’elle accepte de se réinventer sans se renier. Un modèle qui inspire déjà d’autres maisons, et qui pose une question plus large : à l’ère des montres connectées, du numérique omniprésent et de la consommation instantanée… qu’est-ce qui continue à faire vibrer une montre mécanique suisse ?

Peut-être simplement cela : le temps qu’elle incarne, le soin qu’elle exige, et les personnes qu’elle mobilise – à Meyrin comme ailleurs.

Copyright 2025 – © Kabba.ch : Toute l'Actualité de la Suisse Romande